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Chez les cigognes, on ne naît pas bonne migratrice, on le devient

Que celui qui n’aime pas les cigognes lève le doigt ! Qu’il ose dire qu’il n’est pas touché par la majesté de leur vol, qu’il n’est pas stupéfait par l’incongruité de leurs immenses nids, qu’il reste imperméable aux multiples légendes associées à ces éternelles porteuses de bonnes nouvelles. Sans oublier Jean de La Fontaine : pour tous ses amateurs, le souvenir du Renard interdit devant le vase « à long col et à étroite embouchure » que lui présente l’oiseau reste jubilatoire.
L’équipe d’Andrea Flack, à l’Institut Max-Planck, ne cesse, elle aussi, de s’émerveiller devant ces gracieux volatiles. Voilà des années que les chercheurs tentent de suivre leurs vols, à l’automne lorsqu’ils quittent l’Europe vers l’Afrique, puis au printemps, lorsqu’ils empruntent l’itinéraire retour avant la saison des amours.
Mais quand et surtout par où passent les cigognes ? Comment apprennent-elles les meilleures routes ? « La recherche sur la migration affirme habituellement que les itinéraires sont soit innés, hérités génétiquement, soit acquis auprès de congénères », rappelle la chercheuse allemande. Dans un article publié le 4 mars dans les Comptes-rendus de l’Académie américaine des sciences (PNAS), elle et ses collègues viennent pourtant de montrer qu’un élément essentiel manquait : les cigognes apprennent aussi par leur propre expérience, améliorant leur chemin d’année en année.
Le démontrer pouvait sembler aisé. Equiper de balises des oiseaux de cette taille pour enregistrer leur position et leurs battements d’ailes, autrement dit leur dépense énergétique, ne présente pas de difficulté technique insurmontable. Sauf que leur premier voyage, qu’elles commencent seules dès l’âge de 8 semaines, est celui de tous les dangers : 75 % des jeunes cigognes meurent dans leur première année. Pour étudier l’apprentissage migratoire, il faut donc équiper de très nombreux juvéniles. Les chercheurs du Max-Planck s’y sont attelés, sur cinq sites de reproduction dans le sud de l’Allemagne et en Autriche. Ils ont ainsi accumulé une masse de données inédites et ont pu suivre quarante individus pendant plusieurs années consécutives, entre 2013 et 2020.
Le résultat est spectaculaire. La première année, les juvéniles explorent. Ils volent au gré du vent. Leur priorité consiste en effet à minimiser leur dépense d’énergie, quitte à allonger la distance et le temps de parcours. Mais dès l’année suivante, les oiseaux commencent à réduire le temps de migration. « Ils semblent utiliser la mémoire spatiale qu’ils ont acquise pour innover et emprunter des raccourcis », indique Ellen Aikens, la première autrice, désormais chercheuse à l’université du Wyoming.
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